Hunger / Le corps comme ultime champ de bataille

Publié le par kristel


Bruno Dumont, président du jury de la Caméra d'Or 2008 ne s'est pas trompé en saluant « la naissance d'un très grand metteur en
scène de cinéma, d'une grande puissance ». Hunger, du plasticien Steve MacQueen, est un choc artistique, un film fort et d'une esthétique remarquable. Un prix justifié pour un premier film qui a fait l'événement sur La Croisette.


1981, Quartier H de la prison de Maze, Irlande du Nord. C'est là que sont incarcérés les prisonniers politiques de l'IRA. Tatcher refusant de leur octroyer le statut spécial de prisonniers jugés coupables d'actions terroristes, ils ont entamés depuis 1976 le Blanket protest (refus de porter l'uniforme des prisonniers), mouvement qui se confond avec le No Wash protest, refus de toute forme d'hygiène. C'est dans ce contexte que l'on découvre le Quarier H où détenus et gardiens vivent un véritable enfer. Dans une grande économie de dialogues, Steve MacQueen nous dépeint les conséquences de ces mouvements contestataires : des prisonniers nus, dans des cellules nauséabondes aux murs peints de fresques réalisées avec des excréments et des restes de nourriture. A la violence des détenus répond celle des matons : bains forcés au balai brosse, taille de la barbe et des cheveux aux ciseaux qui dérapent sur la peau... un huis-clos sanglant où rien n'est épargner au spectateur.


De cette première partie du film, un personnage finit par se détacher, un leader du nom de Bobby Sands. Jusqu'au boutiste, Sands a pour projet d'entamer une grève de la faim, projet qu'il expose au père Dominic Moran lors d'un long plan séquence. Seul moment dialogué du film, cette conversation souligne la détermination du jeune Bobby et scinde le film en deux parties distinctes : la genèse de ce projet qui se fonde dans la violence de l'incarcération des prisonniers de l' IRA et le combat politique puis la lente destruction du corps de Bobby lors de sa grève de la faim. Le film ne s'achèvera qu'à la mort du gréviste et l'on suit donc avec horreur les souffrances volontaires que s'impose le jeune contestataire.

Michael Fassbender, révélation de Hunger


Malgré la dureté du propos, le film reste d'une grande qualité esthétique. Il évoque l'engagement de ceux qui meurent pour servir leur cause, ceux pour qui le corps est l'ultime champ de bataille politique. Pour le réalisateur, « Hunger a des raisonnances contemporaines,...., il n'y a pas de notion simpliste de héros, de martyre ou de victime. Mon but est de susciter le débat chez les spectateurs et de bousculer nos repères moraux ». La conversation entre Sands et Moran représente un moment de réflexion, un jeux d'échecs philosophiques sur la nature du sacrifice et sa justification. « Ma vie, c'est tout pour moi. La liberté, c'est tout. Je ne mets pas ma vie en jeu parce que c'est ma seule option mais parce que c'est juste ».


Bobby Sands meurt le 5 mai 1981 à la prison de Maze à l'âge de 27 ans. Il faudra la mort de 8 autres grévistes avant que le mouvement ne prenne fin. Le gouvernement britannique cédera dans les faits aux demandes des prisonniers mais sans leur reconnaître officiellement le statut de prisonniers politiques. Brassens chantait « mourrons pour des idées, d'accord mais de mort lente », Hunger illustre parfaitement cet adage.

 

 


 

Hunger, de Steve MacQueen, Royaume-Uni, 2008

Caméra d'Or 2008 et Prix Fipresci de la Critique Internationale, Festival de Cannes 2008

Publié dans cinema

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M
Ah je me souviens en effet d'en avoir entenud parler! Merci pour cette découverte en tout cas, il ne me reste donc plus qu'à le voir! =)
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